Lann Bras Ti Mouel, une nouvelle jeunesse.

Communiqué de presse :  Mairie de Cléguérec – Association Bretagne Vivante.  Le 29 novembre 2017 

La lande de Lann Bras Ti Mouel est propriété de la commune de Cléguérec.

Cet espace naturel communal que nous appelons lande tourbeuse oligotrophe (faiblement minéralisées) est dominé par la callune et les bruyères. Dans la zone basse plus humide la lande est traversée par des couloirs très humides où la molinie se développe en touradons.

Ci et là des des espaces tourbeux subsistent, contribuant à la diversité floristique des habitats.  On y trouve notamment des plantes protégées et menacées. Cette zone naturelle présente un intérêt local certain et constitue un refuge intéressant pour des espèces inféodées à cet habitat.

Ces landes sont référencées dans le manuel d’interprétation des habitats de l’union européenne sous le code EUR 4020 « Landes humides atlantiques tempérées à Erica ciliaris et Erica tetralix », habitat d’intérêt communautaire prioritaire.  Ces deux bruyères caractéristiques des landes tourbeuses oligotrophes sont effectivement présentes à lann Bras Tyi Mouel.

 

Notons également l’intérêt reconnu de la lande pour la préservation de la qualité et de la ressource en eau. Un petit ruisseau la traverse du sud vers le nord et alimente l’étang de St Jean sur la commune de Cléguérec.

 

Intérêt floristique :

 

Trois espèces de plantes carnivores y ont été observées. Deux espèces de rossolis (Drosera spp.) sont protégées au niveau national tandis que la Grassette du Portugal, est inscrite sur la liste rouge de la région Bretagne (liste établie par le Conservatoire National de Brest). Trois autres espèces y figurent au même titre : la narthécie casse-os, la laîche en rostre (pas revu) et le scirpe gazonnant.

 

Intérêt faunistique :

La fauvette pitchou (Sylvia undata), espèce de l’annexe I de la Directive « Oiseaux », est « nicheuse » en 2001 tandis que le busard cendré (Circus pygargus) est noté « de passage » la même année. D’autres espèces animales caractéristiques de ces milieux, dont certaines à forte valeur patrimoniale, s’y maintiennent. Parmi elles, le lézard vivapre. La Decticelle des alpages,  espèce de sauterelle commune en montagne, mais rare en plaine, est présente sur cette parcelle.  Deux autres espèces peu communes de sauterelles fréquentent le site : la decticelle des bruyères (Metrioptera brachyptera) et le phanéroptère commun (Phaneroptera falcata). La première est rare et très localisée en Bretagne et la seconde est très rare en centre ouest Bretagne.

Des traces de campagnol amphibie (Arvicola sapidus) ont été relevées à travers la présence de  nombreux crottoirs, couloirs de circulation et zones d’alimentation (joncs coupés en biseaux).

L’engoulevent d’Europe est présent à Lann bras Ti mouel au mois de juin et fait entendre son ronronnement caractéristique et mystérieux à la tombée de la nuit..

 

Un plan de gestion

 

Le plan de gestion de la réserve naturelle communale de Lann Bras Ti Mouel (rédigé par l’association Bretagne Vivante en 2010, dans le cadre d’une convention, signée en novembre 2010, avec la commune de Cléguérec) définit les actions de gestion à mener sur ce site naturel avec pour objectif de maintenir et développer la biodiversité remarquable qui s’y trouve.

Depuis l’abandon des pratiques agricoles traditionnelles, la lande de Lann Bras Ti Mouel est en évolution défavorable, les boisements naturels de pins martimes en partie haute et de saules et bouleaux en partie humide, modifient le milieux par assèchement progressif et couverture bocagère. Les espèces végétales remarquables adaptées au milieu humide reculent alors, concurrencées par des espèces plus communes. Les populations animales originales s’affaiblissent face à la modification de leur habitat.

En novembre 2011, une première opération de broyage a été réalisé sur une surface de 2 Ha, redonnant une seconde jeunesse à cette parcelle.

En octobre 2015 nous avons saisi l’oportunité de réaliser l’abattage des pins maritimes, sur la partie sud, en amont de la lande. Ceci visait à redonner à la lande les caractéristiques d’origine qui ont permis l’émergence de toute la richesse biologique actuelle, celle qui fait l’objet de notre projet de conservation.

Des petits chantiers de génie écologiques sont égalements réalisés par les habitants et les adhérents de de l’association Bretagne Vivante (en octobre 2011, fauchage de lande, en octobre 2012 creusement d’une mare pour offrir les conditions favorables aux amphibiens et invertébrés aquatiques).

 

Actualités 2017

Le 9 novembre 2017 des élèves du lycée de Kerlebost, pour la première fois sur ce site, dans le cadre de leurs chantiers d’applications, réalisent le fauchage puis le décapage de deux placettes de lande. Ces carrés de lande mis à nue, constituent les habitats sur lequel les espèces botaniques pionnières sont attendues du fait des caractères adaptatifs qu’elles ont développées au cours de leur évolution (carnivorie)

Ils réalisent également le fauchage d’un cheminement qui permettra un déplacement plus aisé des visiteurs.

Aujourd’hui 29 novembre 2017, nous faisons réaliser le broyage et l’arasage des souches sur une surface de 1,5 hectare, suite à l’abattage des pins maritimes effectué en 2015. Cette opération est rendue possible grace aux nouveaux moyens attribués par le département du Morbihan.

Le site de Cléguérec avait été retenu comme présentant un intérêt écologique élevé lors de l’inventaire des sites remarquables dans le cadre de l’élaboration du schéma départemental des espaces naturels sensibles. En 2017 cette longue démarche de reconnaissance à laquelle ont contribué les associations (Bretagne Vivante,…) et des structures diverses (SAGE Blavet,…) a abouti à la signature d’une convention de labellisation ENS (Espace Naturel Sensible) entre le département et la commune de Cléguérec, le propriétaire, pour une durée de cinq ans.. L’objet de cette convention porte sur la restauration, la gestion et l’animation de ce site. Le programme d’actions vise l’amélioration des connaissances naturalistes, la préservation d’espèces et d’habitats naturels à fort enjeu patrimonial, l’éducation à l’environnement et l’accueil du public.

Les bénévoles de l’antenne locale de Bretagne Vivante continueront d’assurer les suivis naturalistes et les développeront, notamment concernant des groupes taxonomiques pour lesquels la connaissance est encore faible. Ils évalueront la réponse de la lande à ces travaux de restauration afin d’adapter les futures actions de gestion.

 

Lann Bras Ti Mouel retrouve en partie une nouvelle jeunesse. Elle peut d’ores et déjà se présenter comme une des vitrine de la nature et de la biodiversité au sein de Pontivy communauté.

 

Par Daniel Garrin, gestionnaire bénévole pour Bretagne Vivante.

 


LANDES BRETONNES HUMIDES

Le souffle atlantique

Quoi de plus naturel pour un Breton que ce paysage d’étendues sauvages de landes dominant les crêtes  ou recouvrant les replats et dépressions des pentes centrales de notre bon vieux massif Armoricain. Des massifs jaunes des ajoncs fleuris du début de printemps aux couvertures roses des bruyères de fin d’été, il emplit le regard et pénètre l’être, s’y absorbe. La  lande bretonne, parmi d’autres symboles, constitue une part indissociable de cette âme bretonne.

 

Et pourtant, ces landes, témoins d’un paysage presque immuable à nos yeux, si ordinaire et monotone parfois, présente une grande variabilité de milieux écologiques souvent imbriqués de manière subtile. L’une d’entre elle fait même l’objet d’un classement comme habitat prioritaire par l’Europe, la « Lande humide atlantiques tempérées à Bruyère à quatre angles et Bruyère ciliée » (Directive 97/62/CEE -Adaptation de la directive 92/43/CEE « Faune-Flore-Habitat », annexe1). C’est celle qui nous intéresse ici. Regardons donc d’un peu plus près ce qui motive cet intérêt européen

 

Par lande atlantique nous désignons la forte influence océanique du milieu et la caractérisation par un sol pauvre et acide. Constamment humides ou présentant des phases d’assèchement temporaire, elle abrite une végétation dominée par la présence simultanée des bruyères : la Bruyère à quatre angles (Erica tetralix) qui définit leur caractère humide, et la Bruyère ciliée (E. ciliaris) pour le caractère océanique tempéré. Dans les secteurs où la présence de l’eau est permanente les Sphaignes peuvent se développer en coussinets et donner lieu à une production de tourbe. Nous parlerons alors de lande para-tourbeuse. Les transitions des milieux y seront très subtiles et très graduelles, entre cette zone tourbeuse à sphaignes et à bruyère à quatre angles et la lande humide avec cette même bruyère et les ajoncs nains.

 

Des plantes carnivores !

Les communautés animales et végétale qu’elles abritent sont souvent rares et menacées, spécialisées, adaptées à des contraintes environnementales pouvant être fortes (acidité, oligotrophie, humidité élevée pouvant contraster avec des phases de sécheresse). Les landes tourbeuses accueillent le Spiranthe d’été (Spiranthes aestivalis), les Rossolis (Drosera rotundifolia et D. intermedia – plantes carnivores ) ou le Lycopode inondé (Lycopodiella inundata) dans les zones mises à nu. Elles offre gîte et couvert à l’emblématique Courlis cendré (Numenius arquata), aux Busards cendré (Circus pygargus) et Saint-Martin (C. cyaneus), ainsi qu’à la Fauvette pitchou (Sylvia undata) dans les landes hautes évoluées.

 

Des milieux à respecter

Bien qu’elles puissent nous apparaître abondantes, leur aire de distribution est assez limitée ce qui en fait un habitat peu commun à l’échelle tant de la France que de l’Europe. Elles sont en déclin dans  l’ensemble de leur aire de distribution. La carte ci-côté nous indique leur répartition sur la façade atlantique en Bretagne et en Gascogne, ainsi que dans le Pays basque et dans l’ouest du Limousin.

 

Ces landes résultent de défrichements anciens. Elles ont connu une forte régression sur notre territoire en raison soit de la destruction directe (drainage, plantations de résineux, mise en culture…) soit de l’abandon de son entretien traditionnel (pâturage, fauche) ce qui a conduit généralement à la fermeture du milieu. Leur préservation dans un bon état de conservation nécessite donc aujourd’hui une forte volonté publique et un engagement dans une gestion appropriée. Dans le cas des landes dégradées un programme de  restauration sera parfois nécessaire (travaux de débroussaillement, éventuellement d’abattage sur les landes boisées, remise en pâturage sous contrôle).

 

Des images du broyage effectuées le 29 Novembre 2017